STÉVEN LE HYARIC, DIABLEMENT AVENTURIER

Un Aventurier des temps modernes. Avec un grand A. Comme l’Amour qu’il porte à notre planète… Comme l’Accueil chaleureux que lui réservent les populations qu’il rencontre lors de ses périples. Mais aussi comme son Agacement lorsqu’il constate les dégradations écologiques dans les pays qu’il traverse… Ou encore comme l’Aveuglement des consciences sur la désertification qui l’exaspère…


Stéven Le Hyaric poursuit sa quête d’exploration et de partage. Sans relâche. Associer l’exploit sportif à un message, pour sensibiliser, c’est ce qui fait avancer le bonhomme. Son prochain défi, immense, est de traverser  6 déserts sur 6 continents, en 6 mois, le tout en vélo…  pour alerter sur le dérèglement climatique.

J’ai pu m’entretenir pour grounds.fr avec cet explorateur 2.0, ce cycliste de l’extrême, qui n’a pas peur de cacher ses émotions ni de pleurer comme un gosse. Un Aventurier des temps modernes. Avec un grand cœur.


Dans mes aventures, je suis toujours gagnant. Avant, je ne me sentais pas à ma place.

Stéven, dans une autre vie, tu as été coureur cycliste élite amateur, journaliste, responsable de la communication digitale à la FFTri (Fédération Française de Triathlon)… En 2017, tu as tout plaqué pour devenir aventurier. Quel a été le déclic ?

Le déclic a mis longtemps à arriver. Je ne sais pas si on a une ‘‘place’’ dans ce Monde, mais moi j’avais l’impression de ne pas être à la mienne. J’ai fait 2 burn out à la FFTri, juste avant les JO de Rio… Et au-delà du volume de travail que je fournissais, je trouvais que ça n’avait pas de sens, que je n’avais pas de reconnaissance.

Pour ma carrière de cycliste, c’est pareil. Ça n’avait plus de sens. C’était devenu un travail, une souffrance. Il n’y avait plus de plaisir. C’était très dur de se motiver pour aller faire 6 à 8 heures de vélo par jour alors que tu perds tout le temps. En tennis ou en boxe, par exemple, même si tu ne gagnes pas de titres, tu peux gagner un match. Mais en vélo, courir pour juste faire une place parmi 200 mecs, pour moi ça n’avait plus de sens.

Alors aujourd’hui, je bosse autant qu’avant, mais j’ai le sentiment d’avoir cette reconnaissance – même si je ne sais pas si je la mérite – à la hauteur de mon travail et de mon investissement. Et ça, ça me plait bien.

On a l’impression qu’avant, c’était un autre Stéven. Que retiens-tu du coup de ces années ? Amertume, nostalgie ?

Non, c’était pas un autre Stéven. C’était un garçon qui se cherchait, qui avançait, comme je le fais toujours. Aujourd’hui, je n’ai pas de certitudes sur la vie, mais j’en ai déjà plus qu’à cette époque-là. J’en avais, certes, mais plus orientées performance, sur mon rêve de devenir cycliste professionnel, ayant commencé le vélo à 5 ans. J’aurais pu faire un cycliste pro de bon niveau en ‘‘seconde zone’’, mais je n’aurais jamais fait un leader.

Peut être que je n’étais pas fait pour être en communauté, j’en sais rien. Et puis l’obligation de résultat me rendait dingue. Moi en fait je m’en fous de gagner ou de perdre, de battre les autres. Maintenant, dans mes aventures, je suis toujours gagnant. Car soit je gagne, soit j’apprends. C’est la focalisation de l’intention.

Aventurier, ce n'est pas un jeu. Il faut respecter la trace dans l'Histoire. Faire rêver les gens.

‘‘Aventurier’’, cela peut paraître abstrait pour beaucoup. Toi-même, comment te définis-tu ?

Aventurier, je ne sais pas trop ce que ça veut dire. A la base, je suis surtout un aventureux en quête d’aventures. Aujourd’hui, aventurier, c’est pour moi une vocation. Après, ce sont essentiellement les médias qui ont décidé que j’étais un aventurier. Alors j’accepte cette mission, car je prends ça comme quelque chose de valorisant. Car pour moi, aventurier, c’est surtout faire rêver les gens, transmettre des valeurs.

Certains jeunes m’ont dit à la fin d’une conférence : « moi aussi je veux être aventurier ». Mais ça ne s’improvise pas, ce n’est pas un jeu. Car il faut respecter la trace dans l’Histoire, ce qu’ont fait les grands explorateurs. Il faut vouloir transmettre des émotions, raconter des histoires, faire des défis un peu hors du commun qui ont du sens pour le collectif. C’est un travail de tous les jours, dans lequel je suis aujourd’hui complètement absorbé, parce que je vis le truc à fond, jusqu’à bosser 20h par jour. Et puis physiquement, ce n’est pas gratuit non plus. C’est ça, ma vision d’aventurier.

Ton actualité, c’est le montage du 666 Project : 6 déserts*, 6 continents, 6 mois… à vélo. C’est l’enfer, un truc de fou non ? On a envie de dire : « Mais, pourquoi » ?

En fait, 666 Project, c’est selon moi la plus belle et la plus provocatrice manière de dire que l’on va vers ça. Une espèce d’enfer que personne n’accepte, alors qu’il y a une situation d’extinction qui est avancée. Des centaines d’animaux, d’espèces, d’oiseaux, de végétaux, disparaissent chaque jour. Mais tout est normal. Et on continue les choses parce qu’on ne pense qu’à notre gueule. Donc quand j’entends dire « on va sauver la planète » pfff… on va surtout sauver notre peau, de la nourriture, des espèces. La planète existait avant nous, et elle existera après nous. Elle n’a pas besoin de nous et va nous atomiser si on continue de surproduire comme ça.

Ce projet 666, c’est aussi alerter sur la désertification. Comme il fait trop chaud ou trop froid dans certaines zones, il est devenu impossible d’y trouver à manger, d’y trouver de l’eau, donc d’y vivre. Alors les gens vont vers les villes, vers d’autres pays plus propices. Tel des réfugiés climatiques. C’est clair qu’il y a toujours eu des cycles planétaires naturels, mais pourquoi ça s’accélère autant depuis qu’on est sur cette put### de planète ? Je ne l’accepte pas.

Donc je veux surtout alerter, en mettant un homme dans des conditions hostiles et extrêmes. Des conditions qu’on n’aura peut-être pas dès demain, mais qui sont de plus en plus régulières. Le chaud devient plus chaud, le froid plus froid, les tempêtes, les incendies s’intensifient. Mais tant que ça ne touche pas l’Homme, c’est pas grave, c’est rien. Comme l’Amazonie qui brûle. Ça me rend fou… Donc je veux montrer la réalité du terrain, pour responsabiliser.

*1-Atacama / 2-Gobie / 3-Arctique / 4-Antarctique / 5-Simpson / 6-Kalahari-Namib

Un projet d’une telle envergure doit exiger une logistique bien ficelée et un certain financement ? Où en es-tu actuellement et quand le départ est-il prévu ?

Ça avance, et ça a avancé d’un coup récemment. J’avais prévu de partir en mars-avril 2020, mais je ne sais pas encore si je pourrai partir avant. Car ça ne va jamais assez vite pour moi, j’ai tout le temps envie de me barrer ! Là, c’est un projet télévisé, bien tourné, qui demande donc des moyens et une production à mettre en place, avec des process qui ne dépendent pas que de moi.


Crowdfunding
Stéven a également ouvert une plateforme de crowdfunding. Pour participer au financement de son 666 Project c’est ici : gofundme

Y aura-t-il un moyen de suivre ton aventure ?

Ouais, ouais… mais je ne peux pas encore dire quel sera le média qui va le diffuser*. Mais ça va être plus gros que mes 2 aventures précédentes, et ça va être encore plus beau car ça va être filmé par des spécialistes, et qui ont encore une vraie vision de l’aventure. Ouais… ça va vraiment être beau je pense.

*Retrouvez toute l’actualité du 666 Project sur le site de Stéven : stevenlehyaric.net

Et côté préparation physique et mentale, comment le gères-tu ?

C’est complètement différent de ce que je faisais avant. Avant j’étais cycliste, j’ai fait un peu d’Ironman en triathlon, de l’ultratrail. Mais par rapport à ce que je fais maintenant, c’était un peu “succint”, c’était beaucoup moins dur. Alors que Paris Dakar en vélo, c’était comme si je faisais un Ironman par jour pendant 20 jours. Car je roulais entre 250 et 300 km par jour. La traversée de l’Himalaya népalais en VTT, c’était pareil. Pendant 51 jours, c’était être capable de réaliser entre 12h et 17h d’efforts par jour.

Donc oui ça demande des capacités d’endurance, mais aussi d’apaisement. Parce qu’il faut apprendre l’ennui. Aujourd’hui, je suis beaucoup plus lourd que quand j’étais coureur cycliste, mais aussi beaucoup plus solide, je me blesse moins. Car je travaille aussi les muscles qui ne sont pas sollicités quand tu ne fais que du vélo.

Coté matos, ton vélo sera ton principal allié pendant 6 mois, mais aussi, dans une certaine mesure, ton fardeau. Ça ressemble à quoi, le vélo de Stéven l’aventurier ?

Pour 666 Project, comme les terrains et conditions climatiques vont changer, les vélos vont aussi changer. Il y en aura 7-8 différents. Et moi du coup je m’adapte au terrain avec le vélo. En Himalaya, j’ai porté mon VTT 70% du temps. J’espère que là je ferai mieux ! Notamment en Arctique, où rouler va fortement dépendre des conditions météo. Pour les déserts d’Atacama et de Gobie, je pense que ce sera sur un vélo type Gravel. Pour les déserts froids, ce sera un Fat bike, car gros pneus et portance, ça tient au sol. Mais il n’y aura aucun vélo de route pur, c’est impossible.

Quels sont les principaux partenaires qui t’aident et osent t’accompagner dans ces ‘‘défis de l’impossible’’ ?

J’ai déjà des partenaires fidèles qui me suivent depuis plusieurs années. Comme Compressport, qui m’accompagne depuis 3-4 ans et avec qui je développe des produits. Garmin est également bien présent. Ensuite, j’ai d’autres partenaires, comme Selle Idéale, qui me fabrique mes selles en cuir, sur-mesure, made in France. Pour tout ce qui est portage et bike-packing, c’est Restrap. Pour la nutrition, Punch Power me suit aussi depuis 3 ans, mais je ne sais pas si ils vont me prolonger.

Après j’ai d’autres partenaires qui sont en train d’arriver, et d’autres contacts avec des marques comme Canada Goose et Arc’Teryx, pour avancer avec eux et booster ce projet.

#DAKARECORD ? Je voulais montrer la dimension de l'Homme dans cet univers saharien.

En mars dernier, en guise ‘‘amuse gueule’’, tu as bouclé le projet #dakarecord*. A savoir relier Paris Dakar en vélo, sans assistance, avec à la clé un record en 20 jours. Mais le record n’était pas l’essentiel non ? Quel était le message derrière tout ça ?

C’était la route de la chaleur. Partir de Paris sous 10-15°C, et aller en Mauritanie et au Sénégal sous 45-50°C. Pendant 20 jours, avec des capacités physiologiques presque au max, pour voir comment le physique et le mental évoluent. La gestion de l’eau, de la bouffe, la vitesse… c’était compliqué. Je voulais montrer la dimension de l’Homme dans cet univers saharien.

Il y a aussi beaucoup de conflits, armés ou non, des pirates et des zones non contrôlées. En Mauritanie, zone orange, j’étais toujours suivi par des voitures de la garde royale marocaine… c’était un peu spécial. Mais se faire doubler par 300 poids lourds par jour était tout aussi dangereux ! Mais ouais… 20 jours, 280 km de vélo par jour… Enchaîner, remettre le couvercle tous les jours, c’était pas évident, mais en fin de compte ça l’a fait. Du coup, j’aimerais bien le faire en off-road, même si je ne sais pas encore par où je passerai.

*Paris Dakar en vélo : 5 pays traversés / 5 600 km / 26 000 m d+ / 20 jours.

De toutes ces aventures, que ce soit tes 120 jours passés au Népal, la traversée de l’Himalaya népalais et le parcours de l’UTMB en VTT, le Paris-Dakar en vélo, quelle image ou moment t’a le plus marqué ?

C’est difficile de ne garder qu’une image ou de se fixer sur un seul moment. Ma 1ère arrivée à Katmandou était forte. L’arrivée du Great Himalaya Trail aussi. Tout comme l’arrivée à Dakar. Une centaine de personnes qui m’accueillent à Dakar et me suivent sur les derniers kilomètres, c’était super spectaculaire. J’aurais fait le trajet en sens inverse, il y aurait eu 10 personnes au Trocadéro… C’est ça qui est beau, c’est qu’à chaque projet, il y a toujours des trucs exceptionnels, quelque chose de différent.

Ces aventures ne sont pas non plus une partie de plaisir. Conditions météo extrêmes, douleurs physiques, fatigue, solitude, galères, craquages, pleurs… qu’est-ce qui fait tenir et continuer dans ces moments-là ?

C’est l’essence. Le sens de tout ça. Le ‘‘pourquoi je fais tout ça’’. Car il y a toujours quelque chose derrière la difficulté. Donc quand tu sais ça, tu essayes toujours d’aller plus loin. Pour #dakarecord, j’ai eu une double tendinite au genou au bout de 72h, mais j’ai quand même fait mes 280 bornes par jour. En Himalaya pareil, j’ai été atteint par un poison les derniers jours, je pensais même que c’était la fin. Mais tu tiens, et tu penses toujours à pourquoi t’es là, pourquoi tu fais ça… Pour aller chercher plus loin, pour transmettre quelque chose, c’est ça qui fait tenir.

Dans les passions que l’on a et dans les disciplines sportives que l’on pratique, on a souvent une idole, un modèle. En aventurier, quel est le tien ?

Ça serait un mix entre Sylvain Tesson et Mike Horn. Mais je ne suis pas non plus un fanatique, car à chacun sa personnalité. Ce sont avant tout des sources d’inspirations, dans le dépassement de soi, dans les créations de projets, dans le professionnalisme.

Être le premier Homme à poser un vélo en haut de l'Everest.

Tu dis toi-même que tu veux « toujours savoir ce qu’il y a derrière la montagne ». Après ce 666 Project, quels seront du coup tes prochains défis ?

Ah je sais pas… j’ai d’autres lubies. Peut être relier tous les points de ces déserts sans assistance motorisée. Faire une grande map de la planète, mais c’est un projet à 100 000 km, donc il faut bien y réfléchir ! Ensuite, je voudrais bien être le 1erHomme à mettre un vélo en haut de l’Everest… Tu vois j’ai des conneries comme ça dans la tête. Et puis je pense que je retournerai dans l’Himalaya d’une manière ou d’une autre. Car ce sont des rencontres aussi. Après, peut être que j’arrêterai tôt et que je finirai dans un canapé, mais j’ai plein d’autres rêves et d’autres envies.


L’interview décalée – le tour du Monde en 30 secondes !

  • Ta plus grande satisfaction ? L’Himalaya.
  • Ton plus grand regret ? De ne pas pouvoir partager tout le temps avec les gens.
  • Ta plus grande peur ? Incapable de te dire ça… mais, que tout disparaisse.
  • Ton plus grand soutien ? Moi je pense (rires)
  • Ce que tu aimes le plus ? Faire du vélo et transmettre.
  • Ce que tu détestes le plus ? Les idées figées, les cons.
  • Ton film culte ? ‘‘Into the wild’’. Et je me dis que je n’aurais pas fait comme lui.
  • Ta musique culte ? Alors question piège car j’écoute 1 000 trucs. Mais pas mal d’électro. C’est mon dopage.
  • Ton astuce matos ? Avoir un vélo sûr. Avant qu’il soit léger ou performant.
  • Ton truc spécial made in Stéven ? Je sais pas… les cheveux, la barbe. Monsieur Himalaya quoi !
  • Ton fantasme d’aventurier ? Peut être faire Latitude 0°, de Mike Horn. C’est le fantasme absolu.
  • Ta devise ? ‘‘On lâche rien !’’

En bref – Stéven Le Hyaric

  • 33 ans – Aventurier
  • Aventures (non exhaustif) :
    • dakarecord (mars 2019). Paris Dakar en vélo : 5 600 km / 26 000 m d+ / 20 jours.
    • Rêves d’Himalaya (mars 2018). Great Himalaya Trail en VTT : 2 000 km / 90 000 m d+ / 51 jours.
    • UTMB en VTT (2018 & 2019). 170 km / 10 000 m d+ / 39h
    • Traversée de la France (2017). De Brest à Bonifacio, en vélo en moins de 20 jours, enchaîné par le GR20.

Pour suivre son actualité, vous pouvez retrouver Stéven sur son site stevenlehyaric.net et sur ses pages Facebook & Instagram
Propos recueillis par Cédric Le Sec’h @cedriclesech
Média : article publié sur grounds.fr le 26/11/2019
Crédits photos : Stéven Le Hyaric / Pehuen Grotti / David Styv / Léo Coulongeat / Erisphère