LÉO BERGÈRE : ROI DU COUP DOUBLE

Le 26 novembre 2022, Léo Bergère a fait coup double à Abu Dhabi. Une première victoire en WTCS qui lui a permis de décrocher le titre de  champion du monde WTCS.  Quelques mois auparavant, j’avais échangé avec le Français qui avait également fait d’une pierre deux coups en s’imposant dans les paysages rocailleux et volcaniques de Lanzarote pour son premier Ironman 70.3. Une victoire qui ne laissait aucun doute quant à sa capacité à réaliser son objectif sur WTCS.

Plus d’un athlète a dû découvrir un “nouveau” nom du triathlon longue distance le samedi 19 mars 2022. Léo Bergère. Doux comme agneau en apparence, féroce comme un loup en course. Le Français de 25 ans a fait trembler la roche volcanique de Lanzarote pour remporter l’Ironman 70.3. Une victoire que d’aucuns pourraient juger “inattendue”, mais surtout une victoire préparée, pleine de maîtrise et de tactique. Tout sauf un coup de chance. De ce succès se dégage de l’Isérois une véritable science du triathlon longue distance. Science qui a mis échec et mat ses adversaires du jour. Retour sur ce joli coup de Bergère.


Léo, premier Ironman 70.3 à Lanzarote et coup d’essai réussi sur le circuit Ironman peut on dire ! Une victoire plus que de prestige vu le nombre et le niveau des pros engagés au départ ! Ça fait quoi ?

Je ne te cache pas qu’avant la course, j’étais hyper excité et curieux de voir ce que ça allait donner. Je m’étais plus mis la pression que sur les WTCS (ndlr : séries courte distance World Triathlon) qui constituent un terrain un peu plus connu pour moi. Pour Lanzarote, je n’ai pas fait énormément de spécifique, mais je l’ai bien préparée. J’ai pas mal roulé avec le vélo de chrono. J’ai aussi bien travaillé tous les aspects liés à la nutrition sur le long avec une professionnelle. Je savais que j’étais bien préparé et que je n’avais pas laissé grand-chose au hasard sur cette distance. Pour ma victoire, ce n’est pas vraiment la surprise qui prédomine. Car je savais que je me situais à ce niveau-là si je ne faisais pas d’erreur.

Lanzarote, que cela soit sur full ou sur 70.3, ce sont des victoires qui comptent dans une carrière. Comment as-tu construit ce succès ?

Je m’étais fixé une ligne de conduite à respecter pendant la course. Ne pas m’emballer trop tôt pour ne pas exploser en route, et faire une course lucide et intelligente. Lanzarote, c’est une épreuve qui est quand même dure. Donc je ne voulais rien laisser au hasard, même si ce n’était pas mon objectif de l’année. Mais c’est aussi une course exposée médiatiquement, aussi regardée par les autres athlètes… Donc si j’étais là, c’était pour la faire à fond !

Et t’attendais-tu à un tel niveau de performance ? 1:10:56 sur semi sur cette course, c’est solide…

À l’entraînement, j’avais déjà réalisé des séances de ce type, avec des vélos assez longs et durs, suivis de courses à pied à allure cible half. Plusieurs fois, j’étais parti trop vite sur la course à pied, car je cherchais justement à voir où était ma limite. Et trop souvent, je “sautais” sur la fin, incapable de tenir l’allure. À Lanzarote, je savais quelle allure j’étais capable de tenir et… de ne pas tenir. C’est pourquoi je me suis dit qu’il valait mieux mettre le frein à main au début. Et encore, je passe le premier kilomètre en 3:13. J’ai donc géré les 8 premiers kilomètres avant d’en “remettre” pour aller chercher le premier. 

À chaque fois que j’ai pris le départ d’un
longue distance, je me suis fait plaisir. C’est
un format que j’affectionne (...)

Ce ne sont pas tout à fait tes débuts sur half. Tu as couru les championnats de France longue distance à Cagnes en 2020, et fait deux fois le Triathlon longue distance de Cannes (2016 et 2e en 2017), mais d’où est venu le déclic de revenir sur la distance supérieure en 2022 ?

À chaque fois que j’ai pris le départ d’un longue distance, je me suis toujours fait plaisir. C’est un format que j’affectionne car c’est un type d’effort qui est plus long. On n’a pas le cœur dans la bouche pendant 2 heures ! Par contre, c’est beaucoup plus musculaire et j’y trouve beaucoup d’intérêt pour progresser sur des qualités qu’il faut avoir sur le court. Si j’ai pris le départ à Lanzarote, c’est aussi parce que je voulais me faire mal aux jambes. Et je savais que ça me servirait pour la suite de la saison.

Une telle perf’, ça doit booster et donner le plein de confiance ? Est-ce une sorte de “revanche” par rapport à la saison 2021 et notamment les JO de Tokyo ?

Non, pas vraiment. C’est vrai qu’il y a eu la grosse déception des Jeux l’année dernière (ndlr : il n’a pas été sélectionné pour le relais mixte). J’ai vraiment raté mon objectif de l’année. Par contre, une fois les JO passés, j’ai vraiment fait une bonne deuxième partie de saison, avec 3 podiums en WTCS. Ça m’a permis de me relancer cet hiver et de me faire réaliser que j’avais le niveau, mais qu’il m’a manqué quelques détails et réglages dans la fin de la préparation.

Clairement, le gros objectif reste de se qualifier pour Paris 2024.

Avec cette victoire, tu obtiens ton slot pour les championnats du monde Ironman 70.3 à St George en octobre 2022. Quelles pourraient être tes ambitions sur cette course ?

C’est une course qui va être différente de ce que j’ai pu découvrir à Lanzarote. La densité sur un championnat du monde n’est pas la même et elle joue sur la dynamique de course. Puis je n’ai pas d’expérience à ce niveau-là. Donc par respect pour tous les autres athlètes, je ne veux pas me prononcer sur ce que je serais capable de faire ou ce que j’ambitionne en termes de classement. Je garde cette course dans un coin de ma tête car c’est un beau projet, un bel objectif. Et si le calendrier le permet, j’y serai et pas pour juste prendre de l’expérience, mais pour jouer la course à fond (ndlr : Léo n’a finalement pas pris le départ). Puis ce n’est pas si mal placé au niveau du calendrier, notamment pour préparer les finales WTCS à Abu Dhabi.

En 2022, tu restes focalisé sur la courte distance et le circuit WTCS, mais est-ce que cette victoire à Lanzarote change tes plans à moyen terme, notamment jusqu’à Paris 2024 ?

C’est clair que mes objectifs en 2022 restent uniquement sur le courte distance. J’aimerais déjà monter sur le podium du classement général des WTCS et arriver enfin à en “claquer” une ! (rires) Ça serait bien car je tourne autour depuis quelques années. Être en mesure d’aller chercher un gros résultat d’ici 2-3 ans. Clairement, le gros objectif reste de se qualifier pour Paris 2024. Quand je m’aligne sur un format longue distance, c’est dans l’optique de me faire progresser sur le court. Mais c’est aussi vrai qu’une victoire comme celle de Lanzarote, ça dépasse le cadre d’une simple course de “préparation”.

Pour finir, une question matos… On a pu voir Sam Long gagner le Challenge Puerto Varas en faisant le semi avec une seule chaussette, à Lanzarote ton capteur de puissance est tombé en panne à la moitié du vélo et tu as fait “confiance” à Florian Angert devant toi… Ce sont des faits de course un peu insolites mais qui pimentent les victoires. As-tu une autre anecdote ?

Si j’arrive à faire une belle roue arrière la veille, même avec le vélo de chrono, c’est que la course va bien se dérouler ! (rires)


Pour suivre son actualité, vous pouvez retrouver Léo sur ses pages, facebook et instagram.
Propos recueillis par Cédric Le Sec’h @cedriclesech
Média : article publié dans Trimax n°215 en avril 2022
Crédits photos : Nicolas Joly / James Mitchell / Jules Mignon / World Triathlon